lundi 26 mars 2007

Ses doigts écorchés, prolongeant des bras refroidis par un métabolisme meurtri et l'absence de brasier-convecteur-foyer et par ce qui pourrait être nommé "isolement affectif" plus que "misère sentimentale" ou "déficit sensoriel", desquels coule ou suinte un sang dont la modestie et la lenteur, dont la belle coloration et la saine tendance à la coagulation, dont la ragoûtante apparence et le franc exhibitionnisme pourraient faire minimiser la gravité (physiologique et dramaturgique) de la présence, infectent, par un contact répété et nerveux avec une "base d'élocution" (la "base d'élocuation" permet (généralement) de remplir le double contrat-objectif de porter une parole et d'ouvrir une lettre : la "base d'élocution" est ainsi ce qui désigne l'objet qui est à la fois porte-parole et lettre-ouverte (ou plutôt porte-parole de lettre-ouverte), qui porte et qui ouvre, qui porte une ouverture, l'objet ouvert et porteur qui scande et qui augmente, l'objet qui vante et qui crie, l'objet qui déclare, révèle, avoue, établit, diffuse, milite), en l'occurence utilisée à des fins personnelles et sentimentales - comme le révèle le produit de la "base d'élocution", qui pourrait être décrit comme une complainte amoureuse et climatique (il y est question de logement, de géographie, de voyages, de travail, de silence, d'aveux) ou comme un théâtre émotionnel de l'intime ou encore comme un témoignage à la première personne - et donc relativement contradictoires avec l'usage indiqué des "bases d'élocution" (exclusivement vendues dans les espaces situés aux confluents des trajectoires politiques et professionnelles et non pas dans les espaces situés au confluent des trajectoires "coeur" et "art" ou au confluent des trajectoires amoureuses et résidentielles), les plaies inquiétantes dont ils se sont couverts suite à son déménagement non désiré, dans une lugubre et carcérale Maison des Travailleurs (sommiers sporadiques, cendres sédimentées, inconfort réglementaire) dans laquelle le transfert fut d'autant plus douloureux (et hémorragique) qu'il est intervenu après un séjour délicieux (souverain, intense, inoubliable, puissant et musical) dans un endroit chaud, bon et aimablement traversé (habité en l'occurence) et après une cessation de confort et d'optimisme brutale et non-préavisée.

dimanche 18 mars 2007

ACTE

Elle, dont les bras blancs, maigres et chargés (chargés d'énergie et de tension bien sûr mais aussi chargés d'histoire - de l'art dramatique, de la politique (contestataire)...-, et d'amour, et de fatigue), musclés bien que peu entraînés, se détachent virtuoses en hauteur, lestés, pondérés, mesurés, raffinés par des années et des semaines de techniques, apprises dans des écoles (des conservatoires mais aussi des écoles plus modestes, parfois même des écoles non artistiques) et par expérience, sculptés par la grâce (et l'anorexie), et inondent l'horizon suspendu que seule, plate et étroite, sa silhouette aigre si reconnaissable vient fendre - canif, lame, glaive, fleuret - , par des gestes ou plutôt des soupirs ascendants, des extases qui ne conduisent ni à l'effondrement (type d'extase qui conduit elle-même généralement à l'inévitable réanimation) ni à la réclusion ni à la constance du sourire ou encore des hocquets dont seule la puissance de compression et de détente aurait été conservée, en ôtant toute la brusquerie du surgissement qui le caractérise habituellement, a, après être descendue, partie et sortie, après avoir rencontré ses amies actuelles et les amies plus anciennes, ses amies d'enfance, qui sont aussi émaciées qu'elle et aussi régulièrement morigénantes, après avoir planifié un dîner inventif, qui réunirait ses collègues (qui s'avèrent, pour certaines, être aussi ses amies actuelles, qui s'avèrent aussi, pour certaines d'entre elles, être ses amies d'enfance) et leurs ami.e.s proches, actuel.le.s ou d'enfance, autour d'un plat, d'un objet, d'une substance ou d'une boisson qu'une connaissance de longue date, d'origine asiatique, mais parlant le français et l'anglais, aurait confectionné dans le secret qu'un tel acte créatif impose, décidé, après s'être aimablement enquis de mes désirs, de ma santé, de mon coeur et de mes projets, accompagnant cette enquête de courtoisie - à laquelle j'ai répondu avec la précision, le bonheur et le secret que la réalité de ma situation dans ces différents domaines implique - par la proposition d'une boisson, d'un reste de vin rouge qu'elle promettait abondant, d'incorporer, de cacher, de verser pourrais-je presque dire, avec la plus grande malveillance, avec une perversité et une technicité que sont loin d'égaler les diamantaires-escrocs d'Anvers (peut-être d'ailleurs certainement plus rapaces que pervers), des pointes et des échardes que je la soupçonne d'avoir collecté, sans scrupule ni compassion, dans les pieds abîmés et meurtris d'une de ses collègues danseuses travaillant dans un mas authentique et insalubre où les planchers effrités ont la particularité de s'effilocher et de transpercer les voûtes plantaires, parfois dures et calleuses mais jamais assez sèches pour être impénétrables, des artistes en résidence ou en formation, y travaillant, et qui sont venues, conformément à son dessein diabolique parce que dissimulé, piquer, blesser, traverser, endommager, heurter, agresser mes lèvres que je trempais alors, avec la délicatesse que la circonstance post-évènementielle requerait et avec la grâce que des années d'observation des chargées de mission autrichiennes et suisses allemandes m'ont permis d'acquérir, dans le verre de vin bordeaux qui venait de m'être proposé, adressé et offert, de la manière que je viens de décrire. Je saigne encore.

vendredi 16 mars 2007

ANGERS

Nous étions enterrés. Des silex enterrés. Travaillés, détaillés, plus que précieux, très vieux, tranchants, dangereux, rares, dignes d'étude et d'intérêt, mais ensevelis. Nous étions polyédriques, coupants et légers mais souterrains. Nous étions musée et hypogée. Nous étions industrie et inhumation. Nous étions puissance et repos. Nous étions danger et défunt. Nous étions projet et caverne. Nous étions outil et décoration. Nous étions germe et fossile. Nous étions racine et ossement, oiseau et taupe, rapace et humus, papillon et terrier, sommets phréatiques, trésor enfoui et gymnaste momifié, pont et canalisation, aqueduc et tunnel.

dimanche 11 mars 2007

On ne travaille pas, on vomit. On ne mange plus, on se malnutrit. On ne s'échauffe plus, on glace nos luxations, on refroidit nos périostites, on congèle nos hanches. On ne se pénètre plus, on se crochète. On ne s'habille plus, on se casque. On ne se lave plus, on toile. On ne se chapeaute plus, on se protège. On ne dort pas, on suinte. On ne se maquille plus, on verdit. On ne se déshabille plus, on se protège, on découpe des collants. On ne danse plus, on rôde et frappe. On ne pense plus, on embauche. On ne se parle plus, on se surveille, on pince, on chante. On ne déglutit pas, on court. On n'aime plus, on apprivoise. On ne s'étire pas, on vrille, on fiste. On ne compose pas, on impose. On ne filme plus, on parle. On ne se coiffe pas, on colore. On ne peint pas, on écarte et on porte. On ne plie plus, on lance. On n'attend plus, on écoute. On n'écrit pas, on programme, on postule. On n'économise pas, on ne grandit pas, on détourne. On ne se bat plus, on suspend. On ne guérit plus, on brille. On ne court pas, on agite et longe les quais. On ne drague pas, on stationne. On ne prie pas, on rit. On n'espère plus, on sait. On ne détient plus, on auditionne, on étrangle. On ne menace pas, on supporte, on fait tournoyer. On n'a plus d'accessoires, on ne s'exerce plus, on sait. On se cambre. On se fait cambrer. On se muscle. On muscle. On apprend la danse orientale. On se fait connaître.

samedi 3 mars 2007

Qu'est-il de plus éternellement aimable qu'un corps endormi venant de jouir, qu'un corps que l'on vient de faire jouir, qu'un corps endormi que l'on vient faire jouir, qu'un corps ami ayant juste joui, qu'un corps endormi que l'on aime, qu'un corps que l'on a aimé faire jouir, qu'un corps ami que l'on aime venir endormir, qu'un corps que l'on aime voir dormir, qu'un corps endormi que l'on aime faire jouir, qu'un corps qui jouit et qui dort, qu'un corps que l'on aime endormi, qu'un corps que l'on fait jouir, qu'un corps ami qui jouit, qu'un corps que l'on aime qui jouit, qu'un corps endormi que l'on vient faire jouir, qu'un corps qui dort que l'on vient de faire jouir, qu'un corps qui vient de jouir pour s'endormir, qu'un ami que l'on vient voir dormir, qu'un corps que l'on ne connaît qu'endormi et ayant joui, qu'un ami que l'on aime endormir, qu'un corps ami que l'on aime faire jouir, qu'un corps que l'on aime endormi, qu'un corps endormi et ami ayant joui, qu'un ami dont le corps endormi jouit, qu'un ami endormi que l'on connaît, qu'un corps ami que l'on connaît, qu'un corps connu et endormi, qu'un corps ami et endormi, qu'un endormi qui jouit, qu'un corps venant de s'endormir, qu'un ami que l'on connaît qui dort, qu'un ami qui aime qu'on le fasse jouir, qu'un corps ami qui aime dormir, qu'un corps ami endormi qui a joui, qu'un corps ami qui aime jouir, qu'un ami endormi qui jouit, qu'un ami endormi ayant joui, qu'un corps endormi qu'un ami vient faire jouir, qu'un ami que l'on aime, qu'un corps endormi ami ayant joui, qu'un corps ayant joui qui s'endort, qu'un corps ami ayant joui aimant s'endormir contre un ami, qu'un ami ayant joui qui s'endort contre un corps qui l'aime, qu'un corps d'un ami endormi que l'on vient faire jouir, qu'un ami ayant joui que l'on aime voir dormir, qu'un corps endormi que l'on vient aimer voir dormir, qu'un corps ami qui aime que l'on vienne l'endormir, qu'un corps endormi et ami qui aime un ami pour dormir, qu'un ami qui dort presque que l'on vient faire jouir pour le voir s'endormir contre un ami qui aime le voir jouir puis dormir, qu'un corps endormi et ami qui dort contre un ami qui vient aimer venir voir un ami qui attend un ami avant de jouir et de s'endormir, qu'un corps presqu'endormi qui s'endort en attendant de jouir, qu'un corps presqu'endormi qui s'endort en attendant son ami, qu'un ami endormi étendu ayant joui, qu'un corps endormi attendant qu'un corps qui ne dort pas vienne, qu'un ami attendant un ami, qu'un corps attendant un ami pour jouir, qu'un corps n'ayant pas joui attendant son ami, qu'un ami endormi attendant son ami qui vient dormir, qu'un ami attendant un ami pour dormir et pour jouir, qu'un corps endormi attendant un ami ne dormant pas pour jouir puis pour dormir contre l'ami venu dormir et le faire jouir, qu'un corps attendant le sommeil et un ami, qu'un corps endormi que l'on aime endormi et ayant joui qui attend qu'un corps ami vienne le faire jouir et dormir contre lui, qu'un ami ne dormant pas encore attendant un ami venu le faire jouir et le faire s'endormir, qu'un corps ami ayant envie de dormir et de jouir ne dormant pas encore, qu'un corps endormi qu'un ami ne dormant pas vient faire jouir et aimer voir dormir, qu'un corps presqu'endormi attendant son ami pour jouir, qu'un corps presqu'endormi attendant son ami pour s'endormir contre lui venu aimer son ami, qu'un ami presqu'endormi dont le corps attend qu'un ami qui ne dort pas vienne puis s'endorme contre lui, qu'un corps ami dont le corps aime s'endormir contre un ami, qu'un corps ami presqu'endormi attendant un ami pour jouir puis s'endormir, qu'un corps aimant dormir avec son ami, qu'un ami dormant avec son ami ?