vendredi 20 avril 2007

Beverly Hills

Pourquoi, alors que le chateau principal, de plain pied, surmontant un parvis à étages et étagères botaniques (des vitres derrière lesquelles : des vignes, des troncs, des plantes pas nécessairement rares ou fragiles), organisé en douze pièces enfilées, auxquelles on accède par l'extérieur, par une porte-fenêtre, sans seuil, sans perron, sans vestibule, doublées d'un circuit parallèle et doté quant à lui d'un couloir de desserte, destiné aux servants, domestiques, personnels, assistants, accompagnateurs, hommes de compagnie, stagiaires, suivants, messagers, écuyers, cuisiniers, serviteurs, valets, interdit aux femmes et aux soucis, rayonne dans un parc alternativement ensoleillé ou enneigé (jamais grisâtre, humide, froid) ayant essaimé, bordant des villas que l'on aimerait habiter, dévaster, pénétrer, des lacs verts et navigables et alors qu'un guide en pleine santé ainsi qu'en témoignent ses moustaches blondes, ses cheveux longs et gonflés, sa corpulence vigoureuse, généreuse, sa taille haute et fière, conviait une quinzaine de personnes (parmi lesquelles peu de chatelains, davantage de citadins et encore plus de vélocyclistes de tous caractères et de tous types), avec la précautionneuse élégance, avec le sens du silence, de l'étiquette et du respect, avec l'infinie patience qu'un tel environnement - historique, botanique, décoratif - requerrait, à considérer la nature fluide de la substance qui emplit les lacs des parcs autant que les niches charnues et citernes minérales de leurs propres corps, à observer les mouvements, propriétés, transitions, parentés de ces différents liquides et, enfin, à se concentrer exclusivement mais aimablement sur ceux de leurs propres corps - ainsi les lacs tranquilles, quiets, miroitant à l'intérieur de chacune de leurs cellules, ainsi les flots ondulatoires, permanents, océaniques noyant et berçant chacune de ces cellules déjà lacustres, les enveloppant et les humectant, ainsi la visqueuse indolence du fluide flottant entre et autour de chaque circonvolution cérébrale et spinale, les éclats souriants, intrépides, incessants des cascades synoviales excitant chacune de leurs articulations, l'implacable, sérieuse, rationnalisée (il faudrait connaître chaque rythme, clapet de rétention, convergence nodale, échangeur) efficacité de l'ascencionnelle et blanche lymphe, ainsi l'énergie rouge du sang, libéré dans les artères nourricières et franches, la valse nauséeuse du sang veineux de retour, encore étourdi, et la superficielle molesse des graisses caressant amoureusement la peau et se concentrant, au gré des courants et des séductions, dans tel ou tel galbe, telle ou telle mamelle - aurait-il fallu, en dépit de tout probabilisme (historique, statistique, mathématique, clinique, intuitif), comme le laissa entendre, a posteriori, de manière tout à fait explicite, une observatrice inquiète et anachronique (ce qui, en soi, pourrait n'être ni blâmable, ni gênant, ni forcément inélégant), durcir ses muscles, palpiter, prendre un air grave, prévoir le pire, obscurcir ses songes, raccourcir ses nuits, craindre des contaminations insidieuses, suspecter ses prochains ? Apparemment, personne ne s'est protégé.

vendredi 6 avril 2007

Lille

Cet endroit, long, haut, blanc, grand, ventilé, dans lequel on ne peut que penser à son ami, parti renaître au loin, dans lequel on ne peut que consacrer (offrir) ses efforts, sa souplesse et ses spasmes esthétiques aux amis absents, dans lequel on ne peut que méditer vénérablement et sonder son coeur, dans lequel on n'aurait pas dû pouvoir dormir seul, dans lequel la dureté des pendrillons minéraux utilisés comme sommier-matelas-couche-couverture, faute d'espaces suffisants dans l'autre espace - l'espace de repos des Jeunes Travailleurs - soutient, réchauffe et conseille le sommeil lourd mais mat, sec, quasi terne des Travailleurs (circonstanciellement ou durablement) solitaires et exilés, et au milieu duquel se construit, à l'initiative d'un artiste blond, loquace, bientôt célèbre, dont le costume brillant, noir, moulant semble mouillé, douché, mazouté, un fin disque, un ring circulaire pointu, au centre duquel, tremblent, volontairement et face à face, deux jeunes adultes, apparemment un homme et une femme - apparemment car l'isomorphisme de leurs musculature et stature, l'androgynie de leurs chevelures et l'insolence de leurs maquillages laissent planer un doute (dont la levée n'a rien de prioritaire) quant à leur identité sexuée - dont le corps est laissé découvert, débraillé grâce à des vêtements modernes, short fendu, culotte horizontale, déboutonné de bolero haut, châle perlé, anneau sanguinaire, et illuminé par deux projecteurs suspendus en hauteur et convergeant vers eux via deux obliques, conçues, installées, actionnées, vérifiées par un jeune technicien, également bandit, et grand propriétaire, et manifestement sous la très forte, efficace, maline, multiple emprise d'une des personnes éclairées par lesdites lampes - exactement la personne qu'un témoin verrait sur sa droite s'il se plaçait face au mûr bordant le ring -, qui monnaie cette emprise (et certainement des services sexuels éventuellement réciproques) contre une surveillance permanente des conduites, de la moralité, des pensées et de l'organisme du jeune homme, accueille, demain, à vingt heures, alors que la nuit sera au bord de l'évanouissement, vacillante, imminente etc..., alors que certains débarqueront à peine d'un voyage en train, alors que certains, loins, déploieront leurs forces dans de nouvelles aventures, et alors que certains, malades, paresseux, lâches, sans rigueur, ou en vacances ignoreront cela et le reste, un spectacle, dont chaque seconde, chaque gonflement, chaque percée, dont chaque silence pervers, couleur amoureuse, saut dévoué, gelée exécutive, voix portée étranglée, dont chaque lumière noblement inachevée, chaque combinaison inédite, rapprochement érotique, pincement auguste, dilatation réinvestie, décor malingre argenté, fard bleu inoubliable, plastique protecteur, arabesque interminable prophylactique, ronde scripturaire propédeutique, voussure provisoire tamisée, solo effectif de batterie féminine, bond-pirouette frémissant, dont chaque pont, semi-pont, pont-torsion, pont-mobile, pont couplé, double pont, pont large, pont haut, pont lombaire, pont scapulaire, pont public, pont liaison, pont station, dont chaque trompette éternelle, chaque procession rouge rose orange, chaque geste sera écrit et dédié. Il fera beau.