dimanche 29 janvier 2006

Du 24 au 27 janvier, pendant 72 heures, FC et JS devaient macérer. Finalement JS a macéré 40 heures, FC 64 heures.

m a c é r a t i o n s
– d é – c o n f i t – u r e s –



– la silhouette amincie étirée, bossue des pressions exercées sur le squelette par l’alitement prolongé et la fonte musculaire, les yeux démaquillés défatigués et éteints, les cils transparents et blondis de l’alanguissement du rythme de leurs clignements, de la rareté des ébahissements qui auraient pu les activer, les oreilles internes navigantes, dansant à la mesure inverse de leur engourdissement, les pieds, surpris des mutations taxinomiques à l’œuvre en leur sein même – plus de calcanéums, de métatarses, d’orteils, de plantes, de faces internes et externes, juste une grosse, belle, emphatique malléole et deux orteils, robustes, simples, rustiques –, les jambes chancelantes, scintillantes, fourmillantes, maigres, les sueurs douces comme les sueurs des premières danses d’enfants, épaisses et calmées par leur rassemblement prolongé, inattendu et nouveau, logées juste à côté ou en deçà des plis qu’on imagine être leurs domiciles évidents, tenaces et conciliantes, les vêtements rêches, dans lesquels nous avons sympathiquement pris soin de nicher miettes, jus, pelures de carottes, sur lesquels les exhalaisons enragées endormies se sont fixées, les cheveux lustrés par les fibres, les laines, les châles, les capuches, les oreillers, les mains, les retournements, les sommeils, les perplexités, les caresses, gominés par le froid et la réclusion –



après 40 heures de macération, JS plonge dans le lac, déjà très calme, très aplati par les sommeils et les léthargies et les douceurs partagées, JS secoue les édredons, fait ricocher les draps froissés par les réajustements de nos rachis et de nos scolioses, affronte l’ennui et la contrainte, en révèle l’indigence, révèle l’improductivité intolérable du désoeuvrement, découvre la fin du stock de cigarettes – ou de feuilles à rouler – propulse le consensus du mutisme, de l’économie de gestes et lacère nos mines mimant l’ataraxie – la plénitude du vide – la profondeur de l’ennui – JS révèle (octroie ?) aux cigarettes – ou aux feuilles à rouler – une puissance motrice remarquable, y puise un prétexte affirmatif magistral. JS rôde, fragilise la lente construction de la cellule réfrigérée accueillant (bien mal stratégiquement) notre expérience de macération, la découvre, l’infiltre, la chahute
– les entrées précédentes de A et de J – attendues – inefficaces – ont été bien loin de faire ainsi frissonner les heures – elles nous ont juste fait penser, pour nous délasser des récits des perplexités budgétaires de nos voisin.e.s de chambre, à la côte cassée de J et à son émouvante postérité musicale –
JS a injecté drames et sentiments, a fait surgir la société prétendument ajournée, et a abattu une des fictions de la marinade-hors-du-monde








- la macération s’organisait sur quelques principes simples : claustration, exiguïté de l’endroit, autarcie, rudesse – pas de discipline trop assimilable à une sanction ou d’inventions trop durement créatives comme des momifications intégrales ou des bains abrasifs – mais amenuisement des stimulations sensorielles, appauvrissement de la diététique (pains – eau froide – carottes – pommes) ; quelques contraintes endogènes, volontairement vagues, larges, lâches, pas trop subordonnées à des rites – fantasmés ou réels : silence – privation de lecture et de toute production articulée, valorisation de l’immobilité, du dépôt, de la station allongée (comme pour des harengs marinant, la macération n’imposait pas une craintive immobilité figée : tous les réajustements, contacts et rapprochements étaient désignées comme bienvenus, seule la suractivité gestuelle était évitée) ; et bien sûr, maintien sous couettes et couvertures à l’intérieur d’un endroit frais, froid même comme l’est la saison. -

– L’objectif de cette macération n’était pas vraiment d’accéder, après un ramollissement général des chairs, à une sorte de pépite, qui aurait constitué le « meilleur de nous-même », le plus savoureux, le plus précieux, le plus véritable et le plus essentiel. La productivité était attendue à un autre niveau. Nous espérions pouvoir racler, récupérer une pellicule, une écume, un fumet qui aurait été le résidu des inventions relationnelles produites par le partage des contraintes et la coprésence intime et prolongée. Ce fumet serait, nous l’espérions, beaucoup plus inattendu, qu’une banale mixture de sueurs, larmes et semences, tangiblement générées par la macération. Ce fumet ne devait pas être inerte, détectable, soupesable, isolé. Ce devait être un fumet non-chimique ou plus que chimique, gestuel et mobile. -

- Les contraintes étaient pauvres – nous le savions mais ne voulions pas que le risque – qui était au final le seul risque pris – d’attester a posteriori de l’indigence du dispositif crainte a priori soit une raison suffisante pour renoncer à se soumettre à ces contraintes. Mieux valait, pensais-je, risquer de s’ennuyer durement que de traîner de longs mois une pesante idée, un peu butée, jamais validée mais jamais invalidée non plus. Mieux valait, pensais-je aussi, commencer avec un squelette de ‘contraintes’, une contrainte grotesque tant elle est affichée, référencée, lourde, ennuyeuse. Mieux valait commencer avec un paradigme mou, médiocre et inoffensif qu’enchaîné, quelques mois plus tard et à brule-pour-point à de lourdes bandes de latex, mis sous vacuum, aux mains de tortionnaires inconnus et inquiétants. Mieux valait se laisser dissoudre, séparer et ennuyer plutôt que s’endommager trop vite dans un sarcophage hermétique. –








sur les matelas mous, les oreillers décadents, et sous les couettes insistantes, le seul intérêt (hormis la joie engourdie de guetter les furoncles, alité dans une chambre entièrement couverte de voiles blancs pour réduire la puissance des stimulations sensorielles) à été de tester – de moduler – les températures, les courbes thermiques, leurs ruses, leurs mouvements, leurs chocs, leurs amitiés, leurs érotiques : nos ami.e.s ont tant cru à un scénario de réclusion passionnelle, de performance amoureuse et embrasée – il s’est juste agi en fait d’érotique thermique.
mais alors, macérer si longtemps, dans un tel désoeuvrement, nous a quand même plutôt refroidi, endurci, qu’amolli et pénétré de la moiteur du fumet. Il aurait fallu prévoir des marmites, des plantes, des dioxydes, des feux, des vapeurs, une sorte de sauna mutant, sauna prolongé, sous couettes et sous feuilles. Il aurait fallu se nourrir chaudement, abuser de sauces, de liants, de moelleux, de légumes, se laisser mijoter, bercer par quelque mains tierces et bienveillantes, il aurait fallu s’entourer, les cornichons ne macèrent jamais par deux, il aurait fallu créer des comités, alerter nos ami.e.s, soumettre des invitations, se montrer accueillants, inclusifs, chaleureux…
Maintenant, tout au moins, je suis prêt à affronter les sudisettes du futur, les accélérateurs de réchauffement, les échauffements passifs et immobiles, je suis prêt à inventer des micro-macérations éclairs, Blitzmacerazion redoutables, miniaturisées, transportables et démontables.


évidemment, la retraite ne m’a pas confronté à l’originaire, à la pureté, à ‘‘l’antiphrase insoluble de la genèse de nos personnalités’’ – évidemment, la discipline faible que je me suis imposée (résistance à la tentation alimentaire, résistance à l’ennui, à l’ankylose croissante des articulations, à l’affaiblissement général, mutisme, privation d’accès aux instances de communication) ne m’a pas beaucoup intéressé, ne m’a pas trans-figuré, ne m’a pas modifié, ne m’a pas rendu plus apte et plus disponible à la connaissance, ne m’a pas rapproché de quoi que ce soit, ne m’a pas donné envie de persévérer – évidemment, les exercices vulgarisés de contrôle du flux des idées, de concentration, et surtout de l’indépassable maîtrise respiratoire, m’ont traversé, ennuyé, assombri, éventuellement poussé au sommeil, mais rien de plus – évidemment, j’ai détesté la diète bancale, l’inhibition digestive qu’elle a provoqué, et les frustration et envie grotesques qu’elle a induites (par ailleurs et cependant, j’ai aimé remarquer que nous avions singulièrement surestimé notre soif et nos besoins en hydratation) – évidemment, quelques généalogies de souvenirs, inattendues et précises, ont surgi, sont venu un peu compliquer le flot des pensées banales mais vénérables, matérielles, professionnelles, sentimentales, logistiques, relationnelles labourant mes airs impassibles – évidemment aucune idée de génie, aucune solution inespérée, aucune intuition majestueuse n’a heurté la douce, moyenne, tranquille attente – quelques ‘idées’ dérisoires et suspectes m’ont animé, des ambitions fixes m’ont tenu éveillé –


après la disruption des 40 heures, la décision de JS de ne pas surmonter l’interminable cap des douze heures séparant la trente-sixième de la quarante huitième, de secouer la dramaturgie, jusque là admirablement plate, horizontale, stable, de se mutiner contre les effets débilitants et improductifs d’un consentement superficiel, des fiertés nouvellement nées sont venues regonfler mon organisme, comblé mais quand même ralenti – des objectifs, des planifications du court terme sont venu.e.s densifier et organiser les dernières heures de macération

le moment des rires blancs, de nos premières minutes effrayées, de nos gloussements déployés, harmonieux, parfaitement ‘à l’écoute’ (pour une fois), me faisant presque m’intéresser au thème de l’angoisse et de sa formidable proximité avec toutes sortes de motifs primordiaux, inaccessibles et envahissants, les premières minutes de l’effroi courroucé et délicieusement aveuglé par l’effet tangible de nos libertés – de cela, les dernières heures, seules, autonomes, indépendantes, se sont fort éloignées – récupérant quelques gouttes frelatées d’un alcool de squat, chronométrant les apnées, goûtant la froideur de l’isolement, de la légèreté célibataire, de l’aiguisement de mes désirs, de mes projets, me construisant quelque postérité ou célébrité fictive, vantant les bienfaits du rechargement énergétique, imaginant mes prochaines étreintes, leurs éclats, me délectant de quelques pensées bien connues du moment
– un observateur m’a fait remarquer le peu de cohérence de ma position de macérant isolé alors que mon objectif principal était – bien plus que l’expérience de ma transformation par la discipline – l’espoir de quelque chorégraphie relationnelle – ça a été en effet un peu le passage d’une parade amoureuse et thermique et toute à l’interaction à une self-maceration, exemplairement autarcique mais semblant déconfite autant que confite – mes prochaines macérations seront soit collectives (voire collégiales) soit individuelles (éventuellement assistées) –








- ce rapport (en cours de finalisation) ne concerne évidemment que mon expérience propre de macération – et toutes les informations sur JS, J, A … sont probablement largement erronées -

jeudi 5 janvier 2006

06 est drastique 06 est béni par des couteaux des sabres des lames 06 ne reçoit pas de voeux 06 répond aux condoléances par blog - le blog tient lieu de faire part 06 n'est pas plus que les autres l'année du bonheur de l'équanimité du succès de l'amour de la santé 06 n'est pas l'année du vice - faites cesser cette rumeur stupide
06 est l'année de nos amies melanie melanie emma geri victoria 06 est l'année des prothèses des pots de fleur des voitures électriques 06 est l'année des grosses est l'année de magali est l'année des ruptures
en 06 faites vous trancher choisissez le sens choisissez le couteau en 06 devenez un groupe de filles en 06 les frayeurs disparaissent de la liste des troubles du comportement en 06 servez les tranches préalablement coupées disposées en 06 le génie ne se mesure plus à l'intensité des tentatives de suicide en 06 la moyenne d'écartement entre les deux épaules est multipliée par 1,4 en 06 certains bustes sont tallonés par la moyenne d'écartement entre les deux épaules en 06 les larges d'épaules perdent leur ascendant
06 aime duncan 06 se complique 06 est tellement ambitieux 06 danse avec les vagues ET ne ressent rien 06 ondoie ET scarifie ET reste mou ET s'élargit ET étouffe, bat, lamine ET porte des vêtements de soleil ET humile ET se cambre ET remporte ET écoute ET neutralise les sensations 06 revendique et élabore 06 élabore et produit 06 produit et triomphe 06 triomphe et se durcit
pour 06 inventons une discipline du sauna pour 06 coupons les radiateurs coupons les manches interdisons les duvets pour 06 développons une prophylaxie thermique pour 06 dormons à plusieurs changeons les côtés prenons les par surprise pour 06 tétanisons nos amant.e.s brusquons les chairs les plus délicates oublions la plénitude pour 06 embrassons nous beaucoup jusqu'à nous contaminer jusqu'à créer des chancres des aphtes à inventer des herpès pour 06 faisons les abcès être les fruits de nos baisers pour 06 devenons fins jusqu'à ne plus produire aucun effet
bons bains