mardi 27 février 2007

LE PONT

Avant tout, abandonner tout désir de : laisser faire - laisser aller - repos - bien-être - soin - relâchement - connaissance intime - plaisir - écoute - douceur - présence - abandon - profondeur - ... -, se relever si l’on est allongé, se redresser si l’on est avachi, se réveiller, s’échauffer rapidement et simplement et globalement (pour cela : sautiller, se fléchir, se tordre, répéter des mouvements, les accélérer, ne pas pauser, ne jamais pauser), aller contre un mur, placer main et gorge contre le mur et commencer déjà à s’amuser à creuser la vallée dorsale, la nuque, varier le placement des mains, creuser le dos, arquer le buste et le torse, toujours face au mur, puis se décider à augmenter la force de ses bras, placer ses mains au sol, garder ses jambes tendues, respirer, en expirant, pousser dans les mains et monter les pieds afin de former une verticale au dessus des mains, redescendre avec la même poussée, recommencer, s’asseoir sur des talons, creuser le dos, se retourner, les étapes préparatoires sont finies, le pont commence, placer la face interne des avant-bras contre le mur, les mains au sol, placer les pieds parrallèles, plier beaucoup les genoux, pousser dans les mains et dans les pieds, pousser contre le sol, si fort que le bassin et le dos décollent, que la tête décolle, tendre les jambes, pousser contre le sol, approcher les pieds des mains, pousser les avant-bras et la gorge contre le mûr, forcer le bassin à rayonner vers le plafond, regarder ses pieds ou au moins le sol, pousser si fort que l’on lève alternativement le pied gauche, le pied droit, le bras gauche, le bras droit, rapprocher les pieds des mains à chaque levée, approcher les pieds de façon à ce qu’ils recouvrent les mains, redescendre calmement, pleurer de joie.

Pleurer de joie car les cuisses ont pu et s’étirer et se renforcer, se solidifier et s’élastifier, se durcir et s’adoucir, se construire et se répandre, se cimenter et flotter, travailler et jouir, diriger et obéir, être fortes et faibles, lourdes et légères, amantes et amoureuses etc...

SPECTACLES

Le corps scintillant d’injustices, vernis professionnellement, dans le coin, à l’avant-scène, le dos tourné à tous, le regard planté méchamment, dans l’espace entre les oreilles et les tempes des deux spectatrices en face, à jardin. C’est le béton armé, métallisé qui coule à toute allure dans les veines, ce sont les pieds qui affrontent amers, et dégoûtés le sol, ses marques, sa sécheresse, ses plis, aspérités fortuites et indésirables. Les doigts en flèche vers le même plancher, cuticules recouvert de paillettes grises et bleues / à chaque entrée, je crains que les responsables ne les détectent et ne m’accusent de déteriorer la signature plastique, de militer illégalement, d’être honteusement désinvolte, mais seules mes partenaires, recouvertes très vite des capsules cosmétiques s’en rendent compte et n’osent rien dire, n’osent rien me dire, elles finissent disgracieusement luisantes, je finis raide, aigu, montagnard, une sorte de silex exposé, de silex si vieux si rare si coupant que les musées l’exposent derrière vitrines et sous lampes,
restant immobile vingt secondes, je secoue à l’intérieur des bassins, petits et grands, tous les sons entendus et hurlés avant de rentrer, alors s’y agitent toutes les chansons chanceuses, toutes les chansons
mais surtout entre les genoux et le plexus, entre les côtes, entre le coccyx charmé du souvenir des massages de la veillle et les lombaires glorieuses, entre le palais et les dents, plus généralement entre les os et les fascias, entre le visage et l’air, entre le souffle et la mort, courent, se ruent, dansent, gigotent toutes les rages, cruautés, méchancetés prédites et promises, Entre les deux ischions, entre la lèvre supérieure et le nez bouent, fulminent, culminent, fument toute la mauvaise foi, la mauvaise volonté, les mauvais tours, les perfiditiés, les injustices, les inimitiés, tous les carburants de tous les gestes à venir, tous les carburants s’échauffent, s’huilent, bouillonnent, dans tous les récipients du corps, dans le foie, dans les malléoles, gonflent, piaffent la liste des mauvais sentiments, indispensables pour bondir, déraper, gémir, frapper l’air le sol les partenaires, tous les carburants se testent, roulent leurs yeux, le coeur des carburants gonflent dans chaque paume, dans chaque glande, les éclairs artifiiciels et naturels excitent et électrisent les vêtements et les parures, les foudres effectuent en silence, en miniature, leurs essais techniques, comme les pyrotechniciens du 14 juillet avant la nuit tombée, les sueurs testent la rapidité de leur flot, le souffle teste son apnée, le souffle teste sa mort théâtrale, les jambes testent leur puissance de nuisance, d’écartement, de saut, de traction, les bras ajustent leurs longueurs,
tout - âme, sentiments, efficience, souffle, intelligence - se condense, s’encapsule, se déglutit dans l’attente et l’espoir d’exploser patiamment et totalement.
Avant que le signal ne vienne libérer l’épilepsie, la tonicité, ne vienne libérer les gladiateurs physiologiques, avant que le signal sonore, dont, bien que nous restions muets, impassibles ou taciturnes, on sait tous, au milieu de ces lumières réciproques et belles, qu’il va nous énerver, qu’il va rendre furieux nos nerfs et nos gestes, avant le signal donc, une forme de dilatation, de baîllement disproportionné vient détendre, apaiser, adoucir, pacifier, normaliser, calmer, caresser, grandir les mauvaises humeurs et intentions des synapses, des paupières et de toutes les crêtes du corps (toutes les crêtes du corps deviennent vallée pour un temps, le temps de gagner l’amitié des amis et des inconnus, le temps de pactiser avec les partenaires à venir, le temps d’ensorceller grossièrement le plateau).









Une sorte d’interprétation facile, permanente et exaltante : tout se passe sur une planète surnaturelle, où les corps nus sont couverts de bandeaux colorés baillants, où les mains et les professionnels s’ajointent comme s’ajointeraient des rivières et des littoraux et des coraux dans une classe de danse de salon terrestre, où la richesse, la justice, l’amitié, la vie, la liaison, la carrière, la générosité prennent des formes de tournoi, de nausée habilement déplacées (les nausées terrestres sont de poitrine, les nausées extraterrestres sont pelviennes, pédestres etc...), prennent des formes de coups, de répétitions, où les astres sont innombrables mais clairement et méthodiquement rangés, par taille et par couleur, où les invitations (à dîner, à prendre un thé, à voir un spectacle) sont d’autant plus polies qu’elles sont torsadées, torturées, où l’on s’enquiert de la santé de ses amis en évaluant le temps qu’ils ont besoin pour se laisser casser un bras, où l’on palpe l’excitation de ses amants en placant leurs dos sur nos pieds ou sur nos oreilles, où l’on dort debout et en pirouette.
ET quand l’interprétation devient trop globale, trop facile, trop ennuyeuse, trop indigne, trop recouvrante, ce sont des éléments historiques nobles qui réinjectent la couleur, qui EMPOURPRENT la danse : histoire des impératrices, histoire des saumons, histoires des groupes de filles (girls band), histoire de la propreté, de la santé, histoire des couleurs.
Et alors au moment de faufiler le flanc droit à l’unisson de X (légèrement décalé), ce sont les surfers privés qui débarquent, sautent à la rescousse, qui tirent, à notre intention, vagues artificielles et vent bienveillant.


A la fin, quand les contractions sont devenues le mouvement des herbes face aux rafales de vent, quand les crispations sont devenues les métamorphoses dociles des pâtes, plâtres, substances des sculpteurs et des potiers, quand la bouche s’ouvre comme est ouverte la bouche d’un fauve empaillé, quand la rage maligne, quand l’ensemble des mauvais désirs flottent partout ailleurs sauf sur moi, recouvre le tapis, la bave de mes partenaires et l’immobilité suspecte des spectateurs, je peux me relever, me réajuster, et laisser inventer des sourires merveilleux et trompeurs,
les sourires du salut, propulsions privatives, accolades, froncements d’oeil, inclinaison du nez, entrouverture de la bouche, souplesse, centralité, tout est déchargé, et amnésique, c’est le salut sournoisement engagé des vedettes de cinéma pour un film qu’elles ont tourné il y a des mois, des années, c’est la séance de dédicace ruisselante de sueur et de morves d’artificiers et de truqueurs.

lundi 5 février 2007

PARIS

Parmi la liste des expertises essentiellement non déléguables, figure en premier lieu l'expertise énergétique. La gestion de la fatigue, le stockage des combustibles, l'évaluation des dépenses, l'ajustement des méthodes ambulatoires, et tous les développements techniques favorables à une économie bénéficiaire de l'énergie privée ne peuvent être imposés par des lois, ne peuvent jamais devenir des conseils adressés à autruis, ne peuvent pas être enseignés en classe, ne peuvent pas faire l'objet de règlements intérieurs, ne peuvent être ni moralisés ni modélisés, ne peuvent pas être jugés. Mêmes les bilans énergétiques ne peuvent pas donner lieu à des récompenses et des sanctions. Seuls la perfection de la forme, la glaciation durable de la posture choisie, l'intégrité cutanée, le maintien effectif des vitesses programmées, la fiabilité relationnelle (chutes, foulures, nausées, palpitations visibles, peau glissante, rubescence faciale disgrâcieuse, asthme sonore et incommodant sont bien sûr punis) sont publiquement contractualisés, et donc notés. C'est à quoi correspondent les grilles indiciaires, les hiérarchies salariales etc... Et c'est sur quoi se fondent toutes les politiques territoriales (traitements préférentiels, discriminations), les politiques typographiques (taille, couleur, style des caractères, localisation des affiches, choix des photographies), les politiques électorales (constitution des listes, calendrier des scrutins), les politiques de sécurité sociale (hôpitaux réservés, puissance et efficacité des traitements prescrits), les politiques fiscales (dégressivité inversée), les politiques honorifiques.


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L'interdiction de la dérogation dans le domaine de la sexualité (champs pratique) a été mal comprise par :
-la littérature jurisprudentielle
-le sens populaire et commun
-les auteur.e.s de scripts.


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Le communisme énergétique n'est pas (n'est plus) la mise en commun des ressources combustibles, la mutualisation des gisements, la collectivisation des matières premières. Le communisme énergétique désigne des programmations motrices (scéniques, amoureuses, sexuelles, sociales etc...) suffisament vigoureuses, violentes, profondes et intégrales pour qu'elles dissolvent, à leur issue, toutes les inégalités de dotation naturelle et de culture (familiale et régionale). Le communisme énergétique est une mise à plat, un retour à zéro équitable.


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L'évolution logique et désirée sera celle-ci :
- les micro-tortures deviendront larges et générales,
- l'étouffement remplacera la pression,
- le plissement et l'éloignement constant de la peau des fascias remplacera les pincements,
- l'alternance sera supprimée au profit de la répétition,
- les précautions (sanitaires, affectives, sédimentées ou aimables) seront abandonnées,
- l'immobilité sera la règle et le principe de base (comme il a été bien expliqué ailleurs),
- l'emballage remplacera l'étreinte,
- le plénier se substituera à l'abrégé,
- l'amour sera perpétuel et conquérant,
- les coups seront abandonnés au profit des liens,
- le chant continu exprimera explicitement l'affection.


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