jeudi 5 juillet 2007

Le cloître imposé est pire que le siècle ravagé.

On croit d’abord à une mutation ; comme tel prend pour signe du succès de sa mue la scission (le schisme ?) à l'oeuvre dans l’ongle de son orteil gauche, on croit d’abord que la voussure du dos, l’inquiétude de l’ouïe, l’alternance de la brusquerie et de l’apathie sont les signes d’une mue en lapin, régressive mais acceptable, soyeuse et vivable ; puis, dans le même ordre, en déplacant juste l’observation, on se croit devenir la tortue de Des Esseintes, parée pour mourir, ornée pour expirer, mue plus fameuse mais plus tragique. Mais vite, dès le prochain réveil, on s’aperçoit que la mue a échoué ou n’a peut-être même jamais commencé : les cyphoses angoissées ne sont pas devenues bouclier, les verrues prolifiques ne sont pas devenues exosquelette, la pilosité domestiquée n’est pas devenue villosité vitale.

Alors : on se retire, on s'absente, on rompt avec son milieu, on s'extrait, se soustrait, s'abstrait, on s'échappe, s'éclipse, s'éloigne, s'esquive, s'évade, se dérobe, s'évapore, se désiste, on s'isole, se réfugie, se replie, se retranche, se tapit, s'efface, se claustre, précisément on se cloître comme on se soignerait. Nul besoin pour cela d'un programme immobilier d'importance : un geste et un clin suffisent pour opérer la claustration : désactivation des téléphones, de la parole et de la vision fovéale. La routine engagée peut se poursuivre, seules les interactions directes ont cessé. Les effets sont immédiats - le rachis se redresse, le coeur ralentit, les poings s'ouvrent et le travail s'effectue brillament - mais de courte durée. La rechute est-elle le fait de rencontres inopinées (effectivement désastreuses) ? du manque de surveillance des espaces intérieurs - organiques et fantasmatiques - que la règle atteint défectueusement ? ou de la ténacité du mal ?

Alors, la cure elle-même, affaiblie par cet échec, se trouble et se conforme vicieusement à la nature des symptômes, hésite, se détent puis se rétracte violemment et sévèrement ; ainsi la règle se brise, le cloître engloutit le siècle, mais l'éjecte en un hoquet ; ainsi la règle s'adapte et se transforme incessament, confusément : le voeu de solitude devient voeu d'endurance, le voeu de silence devient voeu musical, le voeu d'isolement devient voeu de conquêtes infinies... A ce moment, on s'aperçoit que cure et symptômes sont devenus cousins, voire amis, chantent les mêmes mélodies et suivent les mêmes desseins. Les troubles sont à leur niveau maximum (palpitation des moelles osseuses, hyper-stimulées par l'extérieur, friabilité des os, convulsions véloces des muscles, rétrecissement de la vision, déclin de l'entendement, sanglots du coeur) mais la douleur ne l'est pas encore.

Il suffit en effet qu'une promesse venue du dehors mal jugulé ne se réalise pas pour que les plates-bandes de tranquilité que la règle même pervertie laissait intactes s'enflamment et brûlent intensément le corps qui espérait trouver en un ami défaillant, sinon le repos, du moins des impressions bienveillantes.

A ce moment, ou bien la règle retrouve sa vigueur, sa raideur, son absolu et ses vertus protectrices ; ou bien, par la caléfaction indistincte du feu, peaux, préceptes, chagrins et rancunes se sont dissous.

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