J'ai tant de soucis que j'ai décidé de n'en parler qu'une fois résolus.
Je pourrai alors écrire des récits du type : " Une guêpe habitait dans mon sac, qui, bien qu'en jute, ressemble peu à un essaim. Alors que je récupérais quelques cosmétiques naturels, j'ai découvert la guêpe, vivante bien sûr mais semblant ne plus vouloir voler, marchant calmement sur le revêtement intérieur de mon sac, et certainement admirant l'environnement chatoyant (feuilles libres, poudres, portefeuilles mineurs). D'abord scandalisé, j'ai ensuite eu deux idées. Une première idée, strictement analytique, relative à l'attrait que j'ai toujours exercé sur les guêpes ; attrait si fort que même mon sac en est devenu pourvu. Des légendes racontent déjà la prédilection qu'avaient les guêpes pour ma peau lorsque j'étais enfant. Mais, moins légendaire, il y a quinze jours seulement, dans des villes d'Allemagne, j'attirais encore toutes les guêpes de la fin de l'été, énervées et agressives, tandis que les autres personnes - allemandes et non allemandes - profitaient tranquilles et tranquillement du plein air. La deuxième idée était par contre programmatique. Dès que j'en ai eu assez de me rappeler ces modestes histoires, j'ai décidé que je devais me débarasser de cette guêpe : et j'ai quand même pensé que la présence de cette guêpe randonneuse dans mon sac risquait d'attirer encore plus de guêpes autour de moi, puisque les guêpes aiment se regrouper, spécialement dans des endroits insolites. L'histoire de l'éloignement de la guêpe est en fait moins intéressante ; on connaît déjà beaucoup d'histoires de torchons et de balcons (et de vengeances de voisinage). Je n'ai eu aucune difficulté. Avez-vous vu la ruche du Parvis de Beaubourg ? "
A suivre :
La porte et le tibia radiographé (ou La clé)
Le docteur Pelouse
L'ordinateur
Un événement
...
danses
mardi 26 septembre 2006
mercredi 20 septembre 2006
Un des Espagnols dont les cuisses nues animent ou occupent le train depuis avant Vesoul est inquiet ; les éclats de rire, les chansons, les polémiques (des Espagnols avec lui l’inquiètent) aux abords de Vesoul dans un train français. Nous silencieux, le couple bleu longuement marié et moi dormant, puis je lis parce que je n’écris pas bien, et les copies en attente d’être corrigées par le professeur déjà hydropique et somnolent comme un personnage de roman, nous tous frémissons parfois, à un éclat de voix et de rire un peu haut et beau mais qui de nous s’indignerait devant la musique de leurs sourires ? Une compagnie sise ici m’explique « ma chienne a détecté ma tumeur » ( et je lis, des minutes plus tard, ailleurs mais peu loin : « j’ai trouvé ma moitié grâce au chat ») mais ce sont les bras levés des Espagnols et ils ont les bouches si rouges, je nous sais tous rêver de leurs bouches si chaudes comme un cliché et une comparaison, ce sont leurs gloires à eux, d’être dans un corail Intercity Paris Troyes Chaumont Vesoul Belfort Mulhouse Basel qui me plaît, plus encore que sa nouvelle tentative : « mon amie a perdu soixante-dix kilos grâce à la naissance de ses quintuplés ». Il y a même une fille, Lucia, comme celle de l’opéra qui se balançait au dessus de la fosse d’orchestre pour ciseler ses vocalises « comme une cascade », disaient-ils (les balançoires et la gymnastique sont bonnes pour les chanteuses), et comme celle de l’opéra, c’est la seule fille, au milieu des cuisses d’hommes orgueilleuses, elle a la voix forte et c’est elle que l’inquiet vise. Et vise encore. Une autre compagnie : « let your baby show you how to move », les hommes n’aiment et ne savent pas danser…, il faut me suivre dit-elle, puis encore : « je vais éduquer mon homme »,
Christiane Oelze chante, c’est comme si j’étais dans les hautes gorges des athlètes espagnols, fraîches, douces, là où on voit encore les dents dures et d’ivoire, là où la salive est encore souple. L’inquiet vise encore Lucia, Lucia s’est levée – alarmes de Ligeti – les beaux souriants, tous bruns, d’un brun qui prouve leur vigueur, ne l’aiment pas, ne se battent pour elle, c’est évident, ils sont eux-mêmes trop liés entre eux par des forces de désir, par les agencements que m’expliquait V.D… Avant Vesoul , (car) l’après-Vesoul est très clair, les ruisseaux, le soleil, le cycliste, les forêts où Cécilia danse, Sarah campe, CharlY consomme, mais avant, c’est l’aube et nous dormions ; j’ai cru que tu étais venu avec moi dans le train avant Vesoul, je t’ai bien vu dressé et chapeauté, en face de moi, derrière la plateforme sur laquelle viennent de migrer les Espagnols après Belfort, c’est alors un peu idiot que tu ne viennes pas lire à côté de moi. Et Rudi qui devrait être dans ce train et que je pensais à côté de moi, il faut remercier Mélanie Ruquier, elle a l’intelligence de ne pas présupposer que voyager à côté d’un collègue est préférable à voyager seul, donc, déposé sur une banquette, bruyante comme on l’a dit. Si ç’avait été toi, ç’aurait été dommage que tu ne viennes pas à mes côtés, pas de fossé ici, et puis c’est une banquette, il n’y a pas de raison d’espérer d’une banquette plus qu’il ne convient (alors que d’un lit, on espère qu’il n’ait pas de rigole, qu’il soit bien constitué) et ce sont les voyages sans espoirs les meilleurs. On aurait pu jouer avec les Espagnols, Lucia a maintenant été consignée quelque part dans le wagon – on a dépassé Belfort, des cors romantiques et veloutés, des cors, annoncent la Suisse mais Mulhouse d’abord – peut-être n’est-ce pas un jeu, mais les huit garçons lèvent le bras régulièrement basculent la tête, bouclée, gominée, rase, souvent au moment où la vieille mariée bleue rentre des toilettes, ce qui lui arrive trop souvent, et découvrent leur ventre (évidemment), ça me semble un jeu, ton ventre si bien tapis contre ton dos aurait gagné, c’est certain.
Christiane Oelze chante, c’est comme si j’étais dans les hautes gorges des athlètes espagnols, fraîches, douces, là où on voit encore les dents dures et d’ivoire, là où la salive est encore souple. L’inquiet vise encore Lucia, Lucia s’est levée – alarmes de Ligeti – les beaux souriants, tous bruns, d’un brun qui prouve leur vigueur, ne l’aiment pas, ne se battent pour elle, c’est évident, ils sont eux-mêmes trop liés entre eux par des forces de désir, par les agencements que m’expliquait V.D… Avant Vesoul , (car) l’après-Vesoul est très clair, les ruisseaux, le soleil, le cycliste, les forêts où Cécilia danse, Sarah campe, CharlY consomme, mais avant, c’est l’aube et nous dormions ; j’ai cru que tu étais venu avec moi dans le train avant Vesoul, je t’ai bien vu dressé et chapeauté, en face de moi, derrière la plateforme sur laquelle viennent de migrer les Espagnols après Belfort, c’est alors un peu idiot que tu ne viennes pas lire à côté de moi. Et Rudi qui devrait être dans ce train et que je pensais à côté de moi, il faut remercier Mélanie Ruquier, elle a l’intelligence de ne pas présupposer que voyager à côté d’un collègue est préférable à voyager seul, donc, déposé sur une banquette, bruyante comme on l’a dit. Si ç’avait été toi, ç’aurait été dommage que tu ne viennes pas à mes côtés, pas de fossé ici, et puis c’est une banquette, il n’y a pas de raison d’espérer d’une banquette plus qu’il ne convient (alors que d’un lit, on espère qu’il n’ait pas de rigole, qu’il soit bien constitué) et ce sont les voyages sans espoirs les meilleurs. On aurait pu jouer avec les Espagnols, Lucia a maintenant été consignée quelque part dans le wagon – on a dépassé Belfort, des cors romantiques et veloutés, des cors, annoncent la Suisse mais Mulhouse d’abord – peut-être n’est-ce pas un jeu, mais les huit garçons lèvent le bras régulièrement basculent la tête, bouclée, gominée, rase, souvent au moment où la vieille mariée bleue rentre des toilettes, ce qui lui arrive trop souvent, et découvrent leur ventre (évidemment), ça me semble un jeu, ton ventre si bien tapis contre ton dos aurait gagné, c’est certain.
samedi 16 septembre 2006
mercredi 13 septembre 2006
Le monde sans contrepoint. Ou la pureté pré-féline.
On compare souvent les improvisateurs accomplis à des félins ; et on enseigne souvent l’improvisation ou la composition en temps réel en filant la métaphore féline : il s’agit d’avoir la vigilance, les réflexes, la retenue et la sauvagerie d’un félin.
Avec Frédéric, nous étions plutôt des jeunes tigres, deux jeunes frères, qui ne chassent pas encore, qui restent encore sous la protection et la surveillance de leur mère, d’une tigresse. Ces jeunes tigres, pour acquérir les techniques de prédation, vivent et jouent ensemble, selon le même rythme : descendent ensemble à la rivière, s’ébrouent ensemble, se chamaillent ensemble, se jaugent, se provoquent, se taquinent, se reposent, s’endorment, tètent ensemble. Ils exercent ainsi tout ce dont ils auront besoin quand ils seront adultes et indépendants.
Avec Frédéric, nous étions absolument sans méfiance et sans défiance. Les frères tigres ne jouent à la chasse si bien et si délicieusement que parce qu’ils ont une absolue mutuelle confiance : le frère ne risque pas de se transformer en vrai prédateur. L’un tombe par mégarde dans un bras de ruisseau inconnu, l’autre l’y rejoint ; l’un trouve une branche amusante, l’autre en trouve une aussitôt…
Cette complémentarité imitative n’est ni niaise ni ennuyeuse. Certes, elle n’atteint pas l’élégance adulte du contrepoint félin : ruse, diversion, double jeu, économie. Mais la confiance fraternelle et la croissance partagée ont des charmes et une force bien spécifiques : comme sont habiles et audacieux les jeunes tigres qui jouent à la chasse ! comme leurs cabrioles et leurs prises sont aériennes et acrobatiques ! et comme leur repos est délectable… Certes, les frères tigres ne se font pas remarquer en chassant et tuant une gazelle ou une antilope, ils n’ont pas ce genre d’héroïsme solitaire. Mais quelle inventivité gratuite déploient-ils pour se divertir et développer leur force !
Privés de distance, d’hésitation et de prévoyance, les jeunes frères tigres se dédient entièrement à leur activité en cours, la laissent se développer avec braverie et hardiesse jusqu’à ce qu’elle transforme en une autre activité.
Il faudrait et on pourrait raconter chacune de nos séances, nos flexions acharnées, nos équilibres obstinés et hésitants, nos synchronies ahurissantes, nos simulacres, nos caresses, nos sauts combinés à d’autres flexions, nos esquives, nos contrepoids* et nos musiques… Il faudrait raconter comment nous travaillions, quels vêtements nous portions, quelle excitation et quelle affection nous réunissait.
Mais il faut surtout que je décrive la rude plasticité physique de Frédéric, sa fiable force souveraine (quel tigre adulte deviendra-t-il…) et ses somnolences : à certains moments, alors qu’il se tient debout, c’est le seul poids du sommeil qui le fait danser ; c’est très beau et très admirable.
* pas de contrepoints mais que de contrepoids
Ceci est le compte rendu d'IMMORTEL/LE/S #3, proposition de Frédéric Danos, 6_10 septembre 2006, Paris.
Avec Frédéric, nous étions plutôt des jeunes tigres, deux jeunes frères, qui ne chassent pas encore, qui restent encore sous la protection et la surveillance de leur mère, d’une tigresse. Ces jeunes tigres, pour acquérir les techniques de prédation, vivent et jouent ensemble, selon le même rythme : descendent ensemble à la rivière, s’ébrouent ensemble, se chamaillent ensemble, se jaugent, se provoquent, se taquinent, se reposent, s’endorment, tètent ensemble. Ils exercent ainsi tout ce dont ils auront besoin quand ils seront adultes et indépendants.
Avec Frédéric, nous étions absolument sans méfiance et sans défiance. Les frères tigres ne jouent à la chasse si bien et si délicieusement que parce qu’ils ont une absolue mutuelle confiance : le frère ne risque pas de se transformer en vrai prédateur. L’un tombe par mégarde dans un bras de ruisseau inconnu, l’autre l’y rejoint ; l’un trouve une branche amusante, l’autre en trouve une aussitôt…
Cette complémentarité imitative n’est ni niaise ni ennuyeuse. Certes, elle n’atteint pas l’élégance adulte du contrepoint félin : ruse, diversion, double jeu, économie. Mais la confiance fraternelle et la croissance partagée ont des charmes et une force bien spécifiques : comme sont habiles et audacieux les jeunes tigres qui jouent à la chasse ! comme leurs cabrioles et leurs prises sont aériennes et acrobatiques ! et comme leur repos est délectable… Certes, les frères tigres ne se font pas remarquer en chassant et tuant une gazelle ou une antilope, ils n’ont pas ce genre d’héroïsme solitaire. Mais quelle inventivité gratuite déploient-ils pour se divertir et développer leur force !
Privés de distance, d’hésitation et de prévoyance, les jeunes frères tigres se dédient entièrement à leur activité en cours, la laissent se développer avec braverie et hardiesse jusqu’à ce qu’elle transforme en une autre activité.
Il faudrait et on pourrait raconter chacune de nos séances, nos flexions acharnées, nos équilibres obstinés et hésitants, nos synchronies ahurissantes, nos simulacres, nos caresses, nos sauts combinés à d’autres flexions, nos esquives, nos contrepoids* et nos musiques… Il faudrait raconter comment nous travaillions, quels vêtements nous portions, quelle excitation et quelle affection nous réunissait.
Mais il faut surtout que je décrive la rude plasticité physique de Frédéric, sa fiable force souveraine (quel tigre adulte deviendra-t-il…) et ses somnolences : à certains moments, alors qu’il se tient debout, c’est le seul poids du sommeil qui le fait danser ; c’est très beau et très admirable.
* pas de contrepoints mais que de contrepoids
Ceci est le compte rendu d'IMMORTEL/LE/S #3, proposition de Frédéric Danos, 6_10 septembre 2006, Paris.
samedi 9 septembre 2006
Il porte sur les dents une espèce de monture, d’appareil métallique et cranté fascinant qui tient à la fois du robot, du prédateur et de l’adolescent. Rien que cela me le rend spécialement attrayant. Il est un archétype adorable et parfait de l’opérateur de parole et d’intelligence ; il est d'ailleurs, en général, un opérateur positif remarquable – mélange de Frau Von Twann, (pour la séduction et l’aise) et de Diaghilev (pour le réseau et l’intuition), ou encore de Nestor - en moins colossal, moins antique - (pour la distinction, l’intelligence et la confiance) et de fée (pour la joie et le rire qu'il génère et communique).
Il revient souvent du Brésil ou d’une ville de province, est une cible prioritaire des équipes de douane volante et parvient régulièrement à être l’invité de réceptions diplomatiques succulentes et extraordinaires.
Hier, je lui ai montré avec coquetterie et grâce calculée ma moto électrique : et quelle fierté de l’impressionner à chaque nouvelle astuce dévoilée – ses exclamations devant ma trousse à outils rangée dans le minuscule et charmant vanity-case, son incrédulité devant la boussole de mon tableau de bord, sa bienveillance souriante et son cri réjoui et sincère à mon démarrage – si fulgurant et rayonnant, c’est bien vrai !
S’il me semble si rare et si précieux, c’est parce qu’il associe avec un talent et un style pointus le snobisme le plus sévère et indispensable à l’affection la plus déployée, la plus sincère, la plus chaleureuse et la plus démonstrative. Alors, quelle valeur se sent-on avoir quand il nous frictionne le dos, à la fin de la soirée, sur la terrasse refroidie et dépeuplée, ou lorsqu’il nous offre avec une générosité discrète et bouleversante un sirop à l’eau ou une liqueur – selon l’heure !
Finalement, je ne suis pas rentré avec lui hier (mon nouveau moyen de déplacement m’isole autant qu’il me valorise) ; ç’aurait été amusant pourtant : il y a quelques mois, j'avais déjà été dans son lit mais en son absence et dans de tout autres circonstances. A dire vrai, j'ai rejoint hier encore bien meilleur lit.
Il revient souvent du Brésil ou d’une ville de province, est une cible prioritaire des équipes de douane volante et parvient régulièrement à être l’invité de réceptions diplomatiques succulentes et extraordinaires.
Hier, je lui ai montré avec coquetterie et grâce calculée ma moto électrique : et quelle fierté de l’impressionner à chaque nouvelle astuce dévoilée – ses exclamations devant ma trousse à outils rangée dans le minuscule et charmant vanity-case, son incrédulité devant la boussole de mon tableau de bord, sa bienveillance souriante et son cri réjoui et sincère à mon démarrage – si fulgurant et rayonnant, c’est bien vrai !
S’il me semble si rare et si précieux, c’est parce qu’il associe avec un talent et un style pointus le snobisme le plus sévère et indispensable à l’affection la plus déployée, la plus sincère, la plus chaleureuse et la plus démonstrative. Alors, quelle valeur se sent-on avoir quand il nous frictionne le dos, à la fin de la soirée, sur la terrasse refroidie et dépeuplée, ou lorsqu’il nous offre avec une générosité discrète et bouleversante un sirop à l’eau ou une liqueur – selon l’heure !
Finalement, je ne suis pas rentré avec lui hier (mon nouveau moyen de déplacement m’isole autant qu’il me valorise) ; ç’aurait été amusant pourtant : il y a quelques mois, j'avais déjà été dans son lit mais en son absence et dans de tout autres circonstances. A dire vrai, j'ai rejoint hier encore bien meilleur lit.
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