jeudi 31 mai 2007

QUATORZIEME ETAGE

Malgré les inquiétudes de son hôte, Y., alternativement découragée et suspicieuse, amplifiées par l'invasion de son petit palais par de noirs, larges insectes, rares mais l'effrayant, semblant prendre la relève domestique de cousins nains, intimes et opportunistes, ici nichés dans les déchirures imbibées des matelas exposés, annonçant (augurant), selon elle et ses mythologies gréco-new-yorkaises, une médiocre catastrophe — non-renouvellement d'un bail (pour elle), démaillage amoureux (pour moi), grippe intestinale chronique (pour nous)... — qui parvient même , à force d'yeux baissés, langues frappées, poses retirées, à transmettre ses craintes aux visiteurs qu'elle leste, avant et après leur séjour, de pensées difficiles et de lourdes promesses (en ses lèvres matelas devient : matras..., angoissant devient : cochon, ça a été devient : sortez) et malgré la forte prévisibilité d'un blettissement, d'abord de son derme puis de ses tissus, consécutif à l'intensité itérative (et donc moderne) des procédures de sanctification, augmentée par l'implacable placidité des témoins, d'autant plus spirituels que peu nombreux, par l'excitabilité irradiante de certain.e.s facettes/versants/arrêtes — replis/ourlets/vallons — niveaux/sédiments/couches/échelon (selon la topographie adoptée ou revendiquée) de son coeur, par l'ampleur des sentiments tus, des blessures tolérées, de la violence des absences désinvoltes et des silences déplorables et par tout ce qui canonise un sacrifice, ANNA, absolument incarnée et décomposée, gonflée de tressaillements, agrandie à force de disparaître dans les étages les plus aveugles, les plus nervurés, les plus sonores, les plus froids et inhabitables, danse encore, faisant ployer le monde, assomme et asphyxie les ingrats, chante et poignarde ses soucis, et, pire, joue, représente, figure, interprète, reflète le chagrin (exemple récent : Belinda (enfin) faisant sienne la douleur de Didon) se livre à toutes sortes d'opérations poétiques que d'aucuns (dont parfois ANNA elle-même) estime sales ou dépassées, ainsi s'émeut, s'étrangle, se cambre, s'évanouit, se ressaisit et finalement, survit aux admirateurs passés ou absents, intacte et désirée, et partant, s'entête à dévier le cours des tristes prophéties que son hôte, Y., voyait annoncées par la présence d'hexapodes charbonnés conquérants dans sa galerie.

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