Le corps scintillant d’injustices, vernis professionnellement, dans le coin, à l’avant-scène, le dos tourné à tous, le regard planté méchamment, dans l’espace entre les oreilles et les tempes des deux spectatrices en face, à jardin. C’est le béton armé, métallisé qui coule à toute allure dans les veines, ce sont les pieds qui affrontent amers, et dégoûtés le sol, ses marques, sa sécheresse, ses plis, aspérités fortuites et indésirables. Les doigts en flèche vers le même plancher, cuticules recouvert de paillettes grises et bleues / à chaque entrée, je crains que les responsables ne les détectent et ne m’accusent de déteriorer la signature plastique, de militer illégalement, d’être honteusement désinvolte, mais seules mes partenaires, recouvertes très vite des capsules cosmétiques s’en rendent compte et n’osent rien dire, n’osent rien me dire, elles finissent disgracieusement luisantes, je finis raide, aigu, montagnard, une sorte de silex exposé, de silex si vieux si rare si coupant que les musées l’exposent derrière vitrines et sous lampes,
restant immobile vingt secondes, je secoue à l’intérieur des bassins, petits et grands, tous les sons entendus et hurlés avant de rentrer, alors s’y agitent toutes les chansons chanceuses, toutes les chansons
mais surtout entre les genoux et le plexus, entre les côtes, entre le coccyx charmé du souvenir des massages de la veillle et les lombaires glorieuses, entre le palais et les dents, plus généralement entre les os et les fascias, entre le visage et l’air, entre le souffle et la mort, courent, se ruent, dansent, gigotent toutes les rages, cruautés, méchancetés prédites et promises, Entre les deux ischions, entre la lèvre supérieure et le nez bouent, fulminent, culminent, fument toute la mauvaise foi, la mauvaise volonté, les mauvais tours, les perfiditiés, les injustices, les inimitiés, tous les carburants de tous les gestes à venir, tous les carburants s’échauffent, s’huilent, bouillonnent, dans tous les récipients du corps, dans le foie, dans les malléoles, gonflent, piaffent la liste des mauvais sentiments, indispensables pour bondir, déraper, gémir, frapper l’air le sol les partenaires, tous les carburants se testent, roulent leurs yeux, le coeur des carburants gonflent dans chaque paume, dans chaque glande, les éclairs artifiiciels et naturels excitent et électrisent les vêtements et les parures, les foudres effectuent en silence, en miniature, leurs essais techniques, comme les pyrotechniciens du 14 juillet avant la nuit tombée, les sueurs testent la rapidité de leur flot, le souffle teste son apnée, le souffle teste sa mort théâtrale, les jambes testent leur puissance de nuisance, d’écartement, de saut, de traction, les bras ajustent leurs longueurs,
tout - âme, sentiments, efficience, souffle, intelligence - se condense, s’encapsule, se déglutit dans l’attente et l’espoir d’exploser patiamment et totalement.
Avant que le signal ne vienne libérer l’épilepsie, la tonicité, ne vienne libérer les gladiateurs physiologiques, avant que le signal sonore, dont, bien que nous restions muets, impassibles ou taciturnes, on sait tous, au milieu de ces lumières réciproques et belles, qu’il va nous énerver, qu’il va rendre furieux nos nerfs et nos gestes, avant le signal donc, une forme de dilatation, de baîllement disproportionné vient détendre, apaiser, adoucir, pacifier, normaliser, calmer, caresser, grandir les mauvaises humeurs et intentions des synapses, des paupières et de toutes les crêtes du corps (toutes les crêtes du corps deviennent vallée pour un temps, le temps de gagner l’amitié des amis et des inconnus, le temps de pactiser avec les partenaires à venir, le temps d’ensorceller grossièrement le plateau).
Une sorte d’interprétation facile, permanente et exaltante : tout se passe sur une planète surnaturelle, où les corps nus sont couverts de bandeaux colorés baillants, où les mains et les professionnels s’ajointent comme s’ajointeraient des rivières et des littoraux et des coraux dans une classe de danse de salon terrestre, où la richesse, la justice, l’amitié, la vie, la liaison, la carrière, la générosité prennent des formes de tournoi, de nausée habilement déplacées (les nausées terrestres sont de poitrine, les nausées extraterrestres sont pelviennes, pédestres etc...), prennent des formes de coups, de répétitions, où les astres sont innombrables mais clairement et méthodiquement rangés, par taille et par couleur, où les invitations (à dîner, à prendre un thé, à voir un spectacle) sont d’autant plus polies qu’elles sont torsadées, torturées, où l’on s’enquiert de la santé de ses amis en évaluant le temps qu’ils ont besoin pour se laisser casser un bras, où l’on palpe l’excitation de ses amants en placant leurs dos sur nos pieds ou sur nos oreilles, où l’on dort debout et en pirouette.
ET quand l’interprétation devient trop globale, trop facile, trop ennuyeuse, trop indigne, trop recouvrante, ce sont des éléments historiques nobles qui réinjectent la couleur, qui EMPOURPRENT la danse : histoire des impératrices, histoire des saumons, histoires des groupes de filles (girls band), histoire de la propreté, de la santé, histoire des couleurs.
Et alors au moment de faufiler le flanc droit à l’unisson de X (légèrement décalé), ce sont les surfers privés qui débarquent, sautent à la rescousse, qui tirent, à notre intention, vagues artificielles et vent bienveillant.
A la fin, quand les contractions sont devenues le mouvement des herbes face aux rafales de vent, quand les crispations sont devenues les métamorphoses dociles des pâtes, plâtres, substances des sculpteurs et des potiers, quand la bouche s’ouvre comme est ouverte la bouche d’un fauve empaillé, quand la rage maligne, quand l’ensemble des mauvais désirs flottent partout ailleurs sauf sur moi, recouvre le tapis, la bave de mes partenaires et l’immobilité suspecte des spectateurs, je peux me relever, me réajuster, et laisser inventer des sourires merveilleux et trompeurs,
les sourires du salut, propulsions privatives, accolades, froncements d’oeil, inclinaison du nez, entrouverture de la bouche, souplesse, centralité, tout est déchargé, et amnésique, c’est le salut sournoisement engagé des vedettes de cinéma pour un film qu’elles ont tourné il y a des mois, des années, c’est la séance de dédicace ruisselante de sueur et de morves d’artificiers et de truqueurs.
danses
mardi 27 février 2007
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire