mercredi 20 septembre 2006

Un des Espagnols dont les cuisses nues animent ou occupent le train depuis avant Vesoul est inquiet ; les éclats de rire, les chansons, les polémiques (des Espagnols avec lui l’inquiètent) aux abords de Vesoul dans un train français. Nous silencieux, le couple bleu longuement marié et moi dormant, puis je lis parce que je n’écris pas bien, et les copies en attente d’être corrigées par le professeur déjà hydropique et somnolent comme un personnage de roman, nous tous frémissons parfois, à un éclat de voix et de rire un peu haut et beau mais qui de nous s’indignerait devant la musique de leurs sourires ? Une compagnie sise ici m’explique « ma chienne a détecté ma tumeur » ( et je lis, des minutes plus tard, ailleurs mais peu loin : « j’ai trouvé ma moitié grâce au chat ») mais ce sont les bras levés des Espagnols et ils ont les bouches si rouges, je nous sais tous rêver de leurs bouches si chaudes comme un cliché et une comparaison, ce sont leurs gloires à eux, d’être dans un corail Intercity Paris Troyes Chaumont Vesoul Belfort Mulhouse Basel qui me plaît, plus encore que sa nouvelle tentative : « mon amie a perdu soixante-dix kilos grâce à la naissance de ses quintuplés ». Il y a même une fille, Lucia, comme celle de l’opéra qui se balançait au dessus de la fosse d’orchestre pour ciseler ses vocalises « comme une cascade », disaient-ils (les balançoires et la gymnastique sont bonnes pour les chanteuses), et comme celle de l’opéra, c’est la seule fille, au milieu des cuisses d’hommes orgueilleuses, elle a la voix forte et c’est elle que l’inquiet vise. Et vise encore. Une autre compagnie : « let your baby show you how to move », les hommes n’aiment et ne savent pas danser…, il faut me suivre dit-elle, puis encore : « je vais éduquer mon homme »,

Christiane Oelze chante, c’est comme si j’étais dans les hautes gorges des athlètes espagnols, fraîches, douces, là où on voit encore les dents dures et d’ivoire, là où la salive est encore souple. L’inquiet vise encore Lucia, Lucia s’est levée – alarmes de Ligeti – les beaux souriants, tous bruns, d’un brun qui prouve leur vigueur, ne l’aiment pas, ne se battent pour elle, c’est évident, ils sont eux-mêmes trop liés entre eux par des forces de désir, par les agencements que m’expliquait V.D… Avant Vesoul , (car) l’après-Vesoul est très clair, les ruisseaux, le soleil, le cycliste, les forêts où Cécilia danse, Sarah campe, CharlY consomme, mais avant, c’est l’aube et nous dormions ; j’ai cru que tu étais venu avec moi dans le train avant Vesoul, je t’ai bien vu dressé et chapeauté, en face de moi, derrière la plateforme sur laquelle viennent de migrer les Espagnols après Belfort, c’est alors un peu idiot que tu ne viennes pas lire à côté de moi. Et Rudi qui devrait être dans ce train et que je pensais à côté de moi, il faut remercier Mélanie Ruquier, elle a l’intelligence de ne pas présupposer que voyager à côté d’un collègue est préférable à voyager seul, donc, déposé sur une banquette, bruyante comme on l’a dit. Si ç’avait été toi, ç’aurait été dommage que tu ne viennes pas à mes côtés, pas de fossé ici, et puis c’est une banquette, il n’y a pas de raison d’espérer d’une banquette plus qu’il ne convient (alors que d’un lit, on espère qu’il n’ait pas de rigole, qu’il soit bien constitué) et ce sont les voyages sans espoirs les meilleurs. On aurait pu jouer avec les Espagnols, Lucia a maintenant été consignée quelque part dans le wagon – on a dépassé Belfort, des cors romantiques et veloutés, des cors, annoncent la Suisse mais Mulhouse d’abord – peut-être n’est-ce pas un jeu, mais les huit garçons lèvent le bras régulièrement basculent la tête, bouclée, gominée, rase, souvent au moment où la vieille mariée bleue rentre des toilettes, ce qui lui arrive trop souvent, et découvrent leur ventre (évidemment), ça me semble un jeu, ton ventre si bien tapis contre ton dos aurait gagné, c’est certain.

Aucun commentaire: