1. Des verdures antérieures, de haute qualité et viriles.
Foulés par des camarades, mollets à demi nettoyés, à demi hydratés, rendus légers par l’imminence et la probabilité de la crampe, parmi lesquels KEVIN, conservant le ballon longtemps, souffrant moins d’acné surprotéiné que les autres garçons, ces gazons introduisent l’extase. Non pas que ce soient des jardins en terrasses, des talus sonorisés, des parcs de merveilles, non pas qu’ils soient d’une couleur hypnotisante, qu’ils vrillent les pupilles inquiètes d’écrivains cloîtrés en quête d’images-récits et de métaphores objectives, ou incrustent les bandes magnétiques de cinéastes travestis et sous-équipés, non pas qu’ils abritent des espèces de simples redoutables ou qu’ils fournissent des laboratoires agro-alimentaires avant-gardistes : seulement ils forment un terrain. Ces gazons sont un sol, une terre, presque un plancher si l’on considère qu’ils s’intègrent à un hangar couvert fort vaste. Or, elle commence les yeux clos et le buste fermé sur les cuisses : cheveux naturels et rajouts thermo-implantés tirés sans gêne par la gravité inversant le dégradé de blondeur vers la clarté que venait de composer un apprenti en style, dont les pointes sont presque au niveau des talons, à ce niveau plus un, les paupières embrouillées de cold-cream et de rétention de fluides afin de préserver la qualité du regard, les joues massées vers le bas, le menton proportionnellement retranché de la quantité de peau chue vers les pommettes, le cou palpitant d’un sang friand d’artères et dédaigneux de ses veines, réchauffé et ensué par les tétines des seins attirés par ce visage empourpré, jaloux de cette survascularisation, le ventre difforme – la partie distale (dans son cas, le ventre pouvait aisément être assimilé à un membre) gonflée des organes étroitement stockés, et la partie basse, proximale, proche du bassin remarquablement plate, (à la manière de ces chers amants dont le ventre vient littéralement caresser ou, au moins, toucher le dos) –, les lombaires-cimes surplombant toute la chaîne crurale, vaguement affectée par l’effort et la station, les genoux moins tendus qu’il le faudrait et les pieds donc contre le gazon. Au signal (des arpèges réguliers et synthétiques, datés de 1998) ni métalliques ni cristallins, tardivement ajoutés à la composition, elle ouvre les yeux. Le gazon est ainsi la première couleur, la première impression qu’elle reçoit après des années de prostitution sensorielle (« tes sens en échange de ton corps ») : nul chiasme, nul croisement, correspondance, synesthésie raffinée… elle ne voit que vert, et même, le vert lui est vu plus qu’elle ne le voit. Elle est nerveusement passive, elle se remplit, sans pouvoir le désirer, de ce gazon professionnel.
2. Une péripétie aussi céleste qu’oblique.
Le regardeur aime : les arcs que suit le ballon, la prestesse de KEVIN, dont le torse s’est maintenant découvert, le bleu du ciel et la couleur des nuages mis en relief par l’exclusion de tous les signaux sinusoïdaux plats, l’expressivité de la musique et du chien engouffré entre les mollets sûrs des joueurs, la variété des points de vue, la scène du toboggan, les femmes-troncs du deuxième refrain. Sa brusque remontée, serpentine, ondulante et vive l’a transformée. Bien plus que ne l’aurait transformée un amour déçu, une trahison lâchement révélée, une douleur essentiellement injuste, un tourment ininterrompu (le silence dans certaines occasions, ou le choix), une séparation non-paritaire, un eczéma réactif généralisé, une erreur de maquillage, un voyage honnêtement mené, un plaisir dont l’intensité est déterminée par son impossible réitération etc… Irradier la tête renversée, ouvrir les yeux (recevoir un choc visuel) et inverser l’ensemble des tendances physiologiques constituent dans son cas un programme, une trilogie bouleversante. Personne ne la reconnaît, KEVIN échoue ses passes, les amies amputées verdissent et les regardeurs désorientés explosent leur capacité à imaginer ou, pour les moins aguerris, à fantasmer. Certains la voient chauve, d’autres la voient mère, d’autres l’imaginent calcinée par la drogue.
3. Le règne d’après.
Avant même sa puberté, elle pressentait l'horreur des blessures délicates. Avant de se prostituer, elle se pensait nuage, gaz soluble qui asphyxie ou inonde mais ne se laisse jamais prendre. En relevant la tête au dessus du gazon, elle a senti avoir franchi deux étapes. Voire trois : accepter de se pétrifier (1), et donc aimer et souffrir (2), et enfin, se diplômer sévérement en intouchable grâce (3) : seule, désirée, nostalgique, mais sans épanchement. Elle ne se réjouit pas que KEVIN et les autres la regrettent. Recouverte de guitares informatiques, elle est bien extasiée. Elle danse en alternant souvenirs ballonés et rages tranchantes. Presque accessible. De tous.
danses
mercredi 19 septembre 2007
dimanche 9 septembre 2007
hiver compossible
Arrivé geôlier du vent, point d'outre, mais une rafale captive en guise de coiffe, qui aérerait les crampes les plus perverses, le jeune homme s'inventait un rôle infini : le libérateur-gigogne. Reparti avec le matin et la peine cruelle des eaux de part et d'autre de l'écluse, nées pour s'aimer, contraintes par le monde d'être proches et désenlacées, le matin lui semblait exonder le bonheur des heures passées... Le vent, coupable considérable, de qui les prises nocturnes de la geôle (cheveux tirés, tête renversée : évasion évidente) n'avaient pas ébranlé la fierté assujettie, compâtissait et rêvait de portes busquées. Ainsi, d'animations et de commerces, et d'un pourpre amoureux que les bases chantantes de l'édifice laisseraient constamment se transmettre vers sa cellule, ses sous-sols (le visage du jeune surveillant) s'empliraient. Le vent rêvait d'une prison amoureuse, depuis laquelle, du haut de laquelle, il pourrait jours et nuits, saisons après saisons, surplomber et voir son porteur et gardien, s'endormir et s'éveiller enveloppé de la brume chaude et marbrée de l'ami - transhumances des songes, myalgies paillettées, ridules à suspens, complémentarité des yeux, des âges, des corps et des forces, stables amours équarris - il rêvait d'un beau fort, solide pour des milliers d'années. Il se sentait très proche du rêve.
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Un instant, il pensa à Maddie, dont les odeurs cadavériques, nouvellement diffusées, enchaînent et neutralisent la disparition au lien infrangible d'un panoptisme quelconque. Maddie est cousine du vent.
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Un instant, il pensa à Maddie, dont les odeurs cadavériques, nouvellement diffusées, enchaînent et neutralisent la disparition au lien infrangible d'un panoptisme quelconque. Maddie est cousine du vent.
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