Pendant une scène de la pièce - une scène de torture - ma partenaire, Victoria Chiu, appuie son pied sur mes lombaires, afin de me maintenir allongé au sol, et ramène ma tête, par les mâchoires et par les cheveux, vers elle et vers le haut, arquant ainsi intensément, et de force, mon dos vers l'arrière. Ce mouvement prend place, de manière spécialement cohérente, dans mon projet de cambrure. Je concentre en effet actuellement tout mon entraînement autour de la cambrure dynamique de mon corps vers l'arrière : on craint trop souvent de replier l'arrière du corps, alors qu'on abuse trop souvent de la flexion vers l'avant.
A un autre moment, pendant lequel je suis allongé sur le dos, Victoria Chiu s'assoit sur mon ventre, étend sa jambe gauche sur mon bras gauche, alors déplié sur le côté, et enserre soudainement, entre ses deux bras, nos trois jambes, dressées vers le plafond - soit : mes deux jambes et sa jambe droite. Puis, plus tard, alors que je suis toujours allongé sur le dos, Victoria Chiu s'assoit de profil sur la face interne de ma jambe gauche, parallèle au sol mais surélevée par la pression de mes orteils, et s'adosse contre ma jambe droite, verticale. Alors, j'abaisse ma jambe droite jusqu'à former un angle de 180° entre mes deux jambes (le grand écart) ; ce mouvement fait basculer Victoria Chiu de la position assise à la position allongée, comme si elle reposait sur un transat, qu'elle inclinerait à sa convenance.
Victoria Chiu a une étrange gestion de son corps. Elle manifeste une désinvolture toute choquante à l’égard de certaines parties de son corps : ses bras en général, et spécialement ses poignets et les articulations de ses doigts sont complètement abandonnés, un peu tordus, très limités dans l’amplitude de leurs possibilités de mouvement ; ses genoux aussi sont vagues, hésitants et souvent empêtrés ; à l’inverse, elle déploie, dans certains mouvements périlleux, dangereux, acrobatiques et spectaculaires, une force admirable : elle peut se propulser sur ses mains, sauter complètement arquée ; ses cuisses et son ventre cachent aussi une vigueur terrifiante : elle peut, allongée sur le dos, les jambes pointées vers le haut, soutenir et mouvoir mon corps lourdement inerte reposant sur ses pieds, elle peut me transférer sur un seul de ses pieds, réagencer les parties de mon corps en faisant glisser séparément ses jambes, Victoria Chiu peut même porter à l’oblique basse ses jambes en me maintenant alangui sur ses pieds, supportant ainsi toute la pesanteur que l’aplomb de ses jambes absorbait.
Victoria Chiu acquiesce souvent ; je ne sais jamais si la continuité spectaculaire de son approbation n’est qu’une habitude australienne (voire américaine), d’opiner verbalement à tous les propos de son interlocuteur, ou si c’est la marque d’une réelle adhésion à chacune de mes remarques. Je pense en fait plutôt qu’elle acquiesce ainsi avec un tel zèle pour se dispenser de rentrer réellement dans la conversation.
danses
lundi 1 mai 2006
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